L. Burnard u.a. (Hrsg.): Germaine de Staël et Benjamin Constant.

Cover
Titel
Germaine de Staël et Benjamin Constant. L’esprit de la liberté


Herausgeber
Burnand, Léonard; Genand, Stéphanie; Seth, Catriona
Erschienen
Genève 2017: Fondation Martin Bodmer
Anzahl Seiten
248 S.
von
Olivier Meuwly

Le 25 octobre 1767, à Lausanne, naissait Benjamin Constant, dans l’immeuble qu’occupe aujourd’hui le Cercle littéraire. Et le 14 juillet 1817 s’éteignait, à Paris, Germaine de Staël, la muse de l’auteur des Principes de politique, sa maîtresse, la mère de sa fille Albertine. L’anniversaire de la naissance du premier et celui du décès de la seconde se superposaient ainsi en l’année 2017 et il eût été regrettable de ne pas marquer l’événement de digne manière, tant ces deux personnages ont laissé une empreinte indélébile sur la pensée politique du début du XIXe siècle. Penseurs, tous deux furent aussi des acteurs des temps troublés qui accompagnèrent la Révolution française et l’ère napoléonienne, tout en posant les fondements intellectuels du libéralisme, l’une des tentatives les plus importantes de réconcilier les fruits de 1789 avec les légitimes aspirations des individus à l’ordre et la tranquillité. Un ordre que la Terreur avait durablement déchiqueté, traumatisant longtemps les esprits de l’époque.

Esprits universels, Benjamin et Germaine ne pouvaient se contenter de penser leur temps ou même d’y jouer un rôle en vue, comme chef de file du jeune mouvement libéral, pour le premier, ou comme figure tutélaire d’un prestigieux salon tisonnant ses adversaires de sa fulgurante – et redoutée – intelligence, pour la seconde. Ils l’ont également façonné à travers leurs activités d’écrivain. Mieux que de saisir la vie politique qui les environnait, ils en ont sondé les soubassements et disséqué les coeurs. Ils ont perçu les changements à l’oeuvre sur la scène politique et ont ausculté l’évolution de l’âme humaine, encore déchirée entre les réflexes anciens et une modernité à peine esquissée, en phase de transition sur la passerelle du romantisme qui reliait les deux univers. Le Moi s’affirme dans une vision du collectif en pleine mutation, Adolphe noue un dialogue subtil avec Corinne tout en mettant en scène les tumultueuses amours de leurs géniteurs spirituels: deux esprits du temps qui se querellent et s’admirent dans leur ancrage dans un Zeitgeist qu’ils savent décrire pour l’avoir vécu intensément. Le peuple, la nation émergent et se confondent encore, deux abstractions se substituent à une autre, longtemps nantie d’une illusion de réalité: le roi.

Comment fêter en 2017 pareil anniversaire? Comment aborder ces deux personnages objets de nombreuses études? En Suisse romande, un colloque s’est concentré sur l’actualité de la pensée de Constant, sous l’égide de L’Institut libéral et du Cercle démocratique de Lausanne: les contributions présentées à cette occasion ont été publiées dans les Annales Benjamin Constant en décembre 2017. Et la Société des études staëliennes, la Fondation d’Haussonville ainsi que les Amis du Château de Coppet ont honoré la fille de Necker par diverses activités et cycles de conférences. Mais comment s’approprier ce couple si extraordinaire à travers le double anniversaire qu’offrait 2017? Benjamin et Germaine, si différents et pourtant indissociables par les innombrables échanges et conversations qui les ont unis et, en même temps, ont fécondé leurs œuvres respectives, se soustrairaient-ils à une approche commune?

La Fondation Bodmer, avec la collaboration de l’Institut Benjamin Constant de l’Université de Lausanne et de la Société des études staëliennes, a répondu avec brio par la négative à cette question. Une remarquable exposition organisée à Cologny, dans les locaux de la Fondation, et le magnifique catalogue qui la complète, proposent une mise en perspective fascinante de ces deux existences, intimement liées, mues par les mêmes objectifs au service de la liberté, mais adossées à des caractères aussi forts que dissemblables. Orchestrateurs de ces «vies parallèles» arrimées à notre région, directeurs de l’ouvrage (avec Catriona Seth) et commissaires de l’exposition, Léonard Burnand et Stéphanie Genand sont parvenus à construire une subtile narration des deux biographies, dans leurs spécificités autant que dans leurs intersections, si nombreuses, si riches. Le catalogue, où l’élégance le dispute à la densité de la matière livrée au lecteur, dresse ainsi un double portrait passionnant, à travers une vingtaine de contributions, signées par les meilleurs spécialistes de la question. Illustrés et nourris par une belle iconographie, des lettres et des documents commentés, ces textes structurent le propos du livre au gré de quatre grands chapitres: «Deux enfants des Lumières», «Un couple en révolution», «Engagements politiques» et «Intime et fiction», autant de portes d’entrée dans les univers polyphoniques dans lesquels évoluent les deux héros.

Qu’il soit permis à l’auteur de ces lignes un petit regret. La tentative de faire le départ entre ce qui revient à Germaine dans la pensée de Benjamin… et à Benjamin dans l’oeuvre de Germaine relève d’un exercice hautement périlleux. On peut néanmoins déplorer qu’aucune contribution n’ose une synthèse sur la question. Seul Giovanni Paoletti rappelle combien Germaine a inspiré son ami-amant dans ses réflexions sur le conflit entre la liberté des Anciens et celle des Modernes. Le lecteur est donc invité à se plonger dans les écrits politiques de Germaine de Staël, moins connus que ses romans ou de De l’Allemagne. Par bonheur, ceux-ci sont désormais plus accessibles, grâce aux éditions Robert Laffont qui viennent de publier, sous la direction de Laurent Theis et avec une préface de Michel Winock, ses quatre principaux textes dans La passion de la liberté, dans la collection Bouquins (2017).

Zitierweise:
Olivier Meuwly: Léonard BURNAND, Stéphanie GENAND, Catriona SETH (dir.): Germaine de Staël et Benjamin Constant. L’esprit de la liberté, Paris: Perrin; Genève: Fondation Martin Bodmer, 2017. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 125, 2017, p. 251-252.

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Revue historique vaudoise, tome 125, 2017, p. 251-252.

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